Amphibiens et changement climatique : retour sur 3 ans de recherche


Depuis 2016, GEREPI cherche à appréhender le devenir des zones humides et de leur biodiversité face au changement climatique. Car si l’évolution du climat est aujourd’hui bien modélisée, les conséquences sur les espèces et les services rendus par les écosystèmes sont quant à elles encore peu connues et surtout complexes. C’est pourquoi Clémentine Préau a rejoint l’équipe de la réserve du Pinail dans le cadre d’une thèse ciblée sur les amphibiens. Après 3 ans de recherche, plusieurs hypothèses ont été testées et les résultats ont été publiés dans des revues scientifiques : un travail récompensé par l’obtention du diplôme de « docteur ès sciences » en décembre dernier : félicitation Clémentine !

Triton crêté © Yann Sellier

Les résultats dans les grandes lignes

Les travaux de recherche se sont focalisés sur des espèces emblématiques des zones humides, les amphibiens, et la modélisation de leur aire de répartition future en tenant compte de l’évolution de l’occupation du sol et du climat, selon les scénarios du GIEC et à différentes échelles.

En Nouvelle-Aquitaine, 4 espèces en limite de répartition dans la région ont été étudiées afin de prédire leurs aires favorables en 2050. Pour 3 d’entre-elles (sonneur à ventre jaune, triton crêté et rainette arboricole), l’aire de présence devrait diminuer jusqu’à disparaître pour le triton crêté dans le scénario le plus pessimiste. A l’inverse, l’aire favorable de la rainette méridionale devrait augmenter. Cela illustre que l’impact du changement climatique sur les espèces est variable : des espèces à affinité méditerranéenne comme la rainette méridionale pourront étendre leur aire de répartition jusqu’en Vienne alors que d’autres, comme la rainette arboricole, devront migrer vers le nord, quitter le département, pour trouver des températures plus faiches notamment.

En Vienne, 2 espèces de grand triton ont été étudiées en lien avec les corridors écologiques. A cette échelle locale, la recherche a été accentuée sur les éléments du paysage favorisant ou limitant leur déplacement vers les aires climatiquement favorable en 2050 et 2100. Ce travail a permis de mettre en évidence les zones les plus vulnérables au changement climatique ainsi que celles essentielles à la connectivité des milieux de vie futurs des tritons marbré et crêté dans le département.

En France, 1 unique espèce a été étudiée en modélisant la capacité du triton marbré à se déplacer dans le même temps que le déplacement de son aire de répartition climatiquement favorable. Il apparait que la vitesse d’évolution du climat, année par année et ce jusqu’en 2100, serait plus rapide que la capacité de dispersion de l’espèce. Une situation d’autant plus problématique que la simplification ou banalisation du paysage est pronocée sur les territoires (absence de mares, haies, prairies, etc.).

Article du magazine « 7 à Poitiers » de décembre 2019

 

Un travail complémentaire a également été entrepris sur l’écrevisse à pattes blanches, afin d’intégrer la problématique des espèces invasives (les écrevisses américaines) cumulativement au changement climatique.

La déclinaison sur le territoire

Un des enjeux de ce travail de recherche repose également sur la dimension « territoire » et la contribution locale aux stratégies de préservation de la biodiversité, de l’eau et du climat. Les financements de la Communauté d’Agglomération de Grand Châtellerault et l’Agence de l’Eau Loire Bretagne ont ainsi amené GEREPI à élaborer 2 rapports spéciaux comprenant des orientations de déclinaison opérationnelle :

L’évolution des aires favorables des espèces implique de permettre leur déplacement sur le territoire ce qui met en exergue la nécessité de conforter la protection de leurs milieux de vie, des zones humides à l’instar de la réserve naturelle du Pinail d’une part, et de leurs milieux de déplacements, des corridors écologiques commes les mares ou les haies d’autre part. Les politiques d’aménagement du territoire et la Trame Verte et Bleue tout particulièrement, trouvent ici toute leur justification dans la mesure où elles conditionnent les capacités d’adaptation de la biodiversité. Dans cette perspective stratégique et opérationnelle, placer la nature et les services qu’elle rend à la société au coeur du projet de territoire (eau, alimentation, santé, loisirs, etc.), laisse envisager le déploiement de ce que l’on appelle les Solutions Fondées sur la Nature. Ces actions visent à s’appuyer sur le rôle des écosystèmes pour répondre à un enjeu de société tout en favorisant la biodiversité : réduire le risque d’inondation, améliorer la qualité de l’eau, lutter contre les îlots de chaleur en ville, réduire l’effet de serre en stockant le carbone, etc. Tout se qu’accomplissent les zones humides, gratuitement si elles sont préservées !

Diffusion et remerciement

Article du journal « La Nouvelle République » du 08/02/2020

L’ensemble de cette étude sera disponible en décembre 2020 dans le rapport « Identification et modélisation des habitats d’espèces à enjeux des zones humides et évolution de leur aire de répartition avec le changement climatique » (C. Préau, 2019- Thèse de doctorat, Université de Poitiers). En attendant, vous pouvez accéder aux publications scientifiques de Clémentine Préau ICI.

Ces travaux ont été valorisés localement au cours de plusieurs temps forts auprès du grand public :

  • – Une table ronde en novembre 2019 à Châtellerault afin de partager l’état des connaissances de l’impact du changement climatique sur la biodiversité avec la participation des associations LOGRAMI, RNF, Cistude Nature, Cultivons la biodiversité et GEREPI.
  • – Une campagne de communication sur le territoire de Grand Châtellerault  afin d’interpeller le grand public au cours de l’hiver 2019-2020

Un grand merci aux nombreux partenaires qui ont permis et soutenu la réalisation de cette étude :

  • – Pour les partenaires financiers : Communauté d’Agglomération de Grand Châtellerault (Plan Climat Air Energie Territorial), Agence de l’Eau Loire Bretagne (Contrat Territorial Vienne Aval) et Association Nationale de Recherche et Technologie (Convention Industrielle de Formation par la REcherche)
  • – Pour les partenaires scientifiques : Université de Poitiers (Frédéric Grandjean, co-directeur), Université de Tours (Francis Isselin-Nondedeu, co-directeur), GEREPI (Yann Sellier, encadrant), les co-auteurs des publications scientifiques ainsi que les membres du comité de thèse et du jury de soutenance
  • – Pour les partenaires techniques : les associations de protection de la nature (la liste est très longue : Vienne Nature, Faune France, Cistude Nature, LPO, etc.) et l’Office Française pour la Biodiversité ayant mis à disposition les données sur la répartition des amphibiens et de l’écrevisse à pattes blanches ainsi que le Muséum National d’Histoire Naturelle, la Société Herpétologique de France, l’Agence Régionale pour la Biodiversité de Nouvelle-Aquitaine, etc.

Ce travail n’est en rien une finalité car il démontre la nécessité d’amplifier les dispositifs de protection et de connaissance de la biodiversité ainsi que de déployer des programmes d’actions concrets pour atténuer et s’adapter au changement climatique, et surtout à très large échelle. Biodiversité et climat sont interdépendant.