Bilan météorologique
La station météorologique de la réserve naturelle permet de suivre l’évolution du microclimat du Pinail, une donnée essentielle pour comprendre l’état de la biodiversité de la réserve naturelle et plus largement des ressources naturelles de notre territoire.
En 2022, la température moyenne a été de 13.13°C au Pinail, soit +1.07°C par rapport à la période de référence 2010-2016. Au cœur de l’été, le mercure est monté jusqu’à 40°C et plusieurs vagues de chaleur se sont succédées de juin à août comme partout ailleurs en France. D’ailleurs, Météo France annonce 2022 comme l’année de tous les records : plus d’info sur 2022, année la plus chaude jamais enregistrée en France (meteofrance.com). Au niveau de la pluviométrie, il est tombé 548.6mm d’eau du 1er janvier au 31 décembre, soit -188mm par rapport à la période de référence 2010-2016. Le déficit hydrique représente donc -25% par rapport aux pluies attendues ce qui, cumulé aux fortes températures, a conduit à une période de sécheresse de 4 mois consécutifs à partir de mai (notons que la forte pluviométrie du mois de juin n’est pas représentative et dite non efficace).
Afin de mieux appréhender l’intensité de la sécheresse sur le Pinail, un diagramme ombrothermique couvrant la saison hydrologique 2021-2022, c’est à dire comprenant la période de rechargement en eau des milieux (automne-hiver) et de déchargement (printemps-été), a été développé ci-dessous. Il apparait clairement une modification du régime des pluies avec un déficit chronique de pluie qui s’élève à -33% au cours de cette période par rapport à la normale attendue.
La nouvelle période de rechargement amorcée en automne 2022 – hiver 2023 affiche une température moyenne plus élevée que la normale sur le Pinail mais la pluviométrie est relativement proche de la moyenne attendue avec -13% de déficit hydrique entre octobre et décembre 2022. Seulement la situation hydrique est extrêmement préoccupante sur la réserve naturelle compte-tenu de la sécheresse intense de l’été précédent qui, si elle n’est pas compensée par des pluies hivernales considérables, pourrait s’annoncer encore plus extrême en 2023.
Niveau d’eau
L’observatoire photographique de GEREPI livre également de précieuses illustrations de l’impact du changement climatique localement. La phénomène de méditerranéisation à l’œuvre sur le plateau du Pinail se traduit par une dynamique d’assèchement global des milieux humides avec en première ligne les prairies et landes humides ainsi que les mares qui peinent à se recharger en hiver et s’assèchent de manière plus précoce et prolongée. Début janvier 2023, il manque environ 1 mètre de hauteur d’eau dans les milliers de mares du Pinail.
La pression climatique opère une métamorphose du paysage sous nos yeux. Certains habitats se dégradent jusqu’à disparaître au profit d’autres habitats. Certaines espèces sont avantagées tandis que d’autres peinent à s’adapter jusqu’à s’éteindre localement comme cela a été confirmé en 2022 pour la moitié des populations d’écrevisse à pattes blanches. Sans oublier un risque accru de feu de forêt avec le stress hydrique de la végétation et les températures caniculaires, et des activités humaines tout autant bouleversées par cette métamorphose. Les quelques 16 000 visiteurs de la réserve en 2022 devront aussi s’adapter.
Récit d’une année extraordinaire
Le nouvel an 2022 a été fêté avec le chant des grenouilles vertes sorties de leur sommeil hivernal par une température anormale de plus de 19°C. En sortie d’hiver, il manquait au moins 50 cm d’eau dans les mares. Les prairies humides se sont asséchées à l’arrivée du printemps condamnant ainsi toutes les pontes de grenouille agile et autres amphibiens en particulier. Le manque d’eau s’est accentué au milieu du printemps lorsqu’il a fallu commencer à abreuver le troupeau jusqu’à devoir installer début juin, une tonne à eau au cœur de la zone humide : du jamais sur la réserve naturelle depuis les années 1990 ! En été, avec les vagues de chaleur successives et un mercure atteignant jusqu’à 40°C, le sentier de découverte a été déserté du public avec une baisse de fréquentation de 50% par rapport aux étés précédents. Canicules et sécheresse ont provoqué une intensification du risque de feu de forêt conduisant les pompiers à assurer une surveillance quotidienne du site jusqu’à ce que la préfecture interdise même l’accès et les travaux en milieux forestier et naturel fin août. Au niveau de la biodiversité, la reproduction du rarissime papillon azuré des mouillères a été compromise par une précocité d’environ 3 semaines de la floraison de sa plante hôte, la gentiane pneumonanthe, et sa dessication sur pied alors que les œufs ou chenilles avaient à peine vu le jour. Pour l’écrevisse à pattes blanches, tout autant rare et protégée, la situation est plus critique puisque la perte de 50% des populations a été observée et confirmée. Si les visiteurs manquaient à l’appel au cœur de l’été, les libellules et autres habitants des mares, pour l’essentiel asséchées, avaient également et littéralement disparu à partir de début août. Les quelques averses de la fin d’été ont offert un second printemps à la végétation qui a reverdit le paysage en l’espace de quelques jours, en plein automne. Sans pour autant faire remonter les niveaux d’eau, la pluie automnale a permis aux champignons de s’exprimer sans être contraint par l’arrivée du gel. Début novembre, un certain nombre de plantes ont poursuivi leur floraison comme les bruyères à quatre angles ou la gentiane pneumonanthe, avec des températures anormalement haute en cette période, proche de 20°C. Quant aux mares, début décembre, elles restent pour l’essentiel à l’état de flaque d’eau, un déficit de 1 mètre est observé en fin d’année et le nouvel an 2023 est fêté avec 17°C sans toutefois le chant des grenouilles.
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