Nouveau climat, nouvel aménagement du Pinail ?


2024 est en passe de devenir l’année la plus chaude jamais enregistrée dans le monde, dépassant pour la 1ère fois une température moyenne de +1.5°C par rapport à l’ère préindustrielle. Un sacré coup dur pour le respect des Accords de Paris qui visent à contenir le réchauffement climatique en dessous de +2°C et de préférence +1.5°C d’ici 2100 ! Les conséquences du changement climatique sont déjà bien perceptibles (inondations, canicules, sécheresses, feux de forêt, etc.), c’est pourquoi il est indispensable et urgent de s’adapter, de remettre en question l’aménagement de notre territoire, les fondements de nos pratiques actuelles pour faire face aux défis de demain. Allo ? Allo… Il y a quelqu’un qui s’intéresse à l’eau ? Bien sûr, la « guerre de l’eau » fait déjà l’actualité avec les « méga-bassines » agricoles, les pollutions de l’eau du robinet et ses restrictions d’usages de plus en plus fréquentes. Mais qu’en est-il pour la zone humide du Pinail ? Sera-t-elle toujours humide d’ici 2100 ?

Un peu d’histoire pour comprendre les paysages du Pinail jusqu’à aujourd’hui

D’un territoire vierge avant l’installation de l’Homme au Néolithique, Le Pinail a évolué au grés des siècle avec les activités humaines. Il faut imaginer une forêt primaire avec des marécages, des clairières de landes ou prairies ici ou là, qui a été progressivement exploitée afin de fournir des matériaux pour construire des habitations, pour fabriquer des objets, pour se chauffer, pour se nourrir… Le défrichement de la forêt a ainsi permis aux landes de s’étendre tandis que l’exploitation de la roche dans le sous-sol, la fameuse pierre meulière, a permis aux mares d’être créées à minima depuis le 9e siècle. Ce défrichement de la forêt était tel qu’au 17e siècle, l’Etat prend la décision de protéger la forêt royale dite de Moulière en restreignant l’exploitation de la roche et de la lande à la dite petite forêt sur près de 1 000 hectares, appelée Pinail. L’activité d’extraction de pierre meulière prend fin autour de 1870 mais les usages traditionnels se poursuivent au bénéfice des habitants des communes (pacage du bétail, coupe de la brande, brûlis, chasse ou encore pêche rythment la vie de ces communaux). Au milieu du 20e siècle, le Pinail, alors en déprise, est réapproprié en grande partie par l’Etat qui confie alors le site au gestionnaire de la forêt domaniale dans les années 1970. D’importants travaux sont alors entrepris pour pouvoir exploiter des arbres : drainage, comblement de mares, plantation de pins en monoculture… Mais en 1980, la situation conflictuelle conduit à créer la réserve naturelle nationale du Pinail sur 142 hectares pour protéger le cœur des landes et mares, les espèces protégées qui y sont découvertes. Le réaménagement sylvicole se stabilise, il subsiste alors près de 40% des landes et mares du Pinail. Avec le classement Natura 2000 dans les années 1990, une gestion écologique est instaurée et en 2021, le site est labellisé « Ramsar » : une zone humide d’importance mondiale.

Des paysages en péril face aux changements climatiques

Partagé entre gestion écologique et exploitation sylvicole, le Pinail abrite aujourd’hui plus de 7 500 espèces d’animaux, de plantes et de champignons, depuis les plus communes aux plus menacées de disparition en France, en Europe et dans le monde . Toutefois, les aménagements passés du site avec son drainage en 1er lieu, exacerbé par le changement climatique, affectent cette richesse. Les zones humides s’assèchent, des populations s’effondrent (-75% pour l’azuré des mouillères, -45% pour l’écrevisse à pattes blanches, etc.) quand d’autres semblent se maintenir voir être favorisées (+100% pour la fauvette pitchou par exemple) alors que les extrêmes climatiques s’accentuent (43°C en été 2022, déficit de -1m d’eau dans les mares en janvier 2023, etc.). L’Homme est également une des espèces impactées localement, à l’image de l’aggravation du risque de feu de forêt (station de surveillance in situ depuis 2023, désertion du public au delà de 32°C, etc.). La moindre disponibilité en eau est désormais indéniable, c’est pourquoi la recherche d’une meilleure rétention naturelle devient une priorité, en adéquation avec les activités humaines cela va de soi. D’autant que cette eau retenue dans la zone humide est indispensable pour lutter contre les inondations, le changement climatique, l’effondrement de la biodiversité, le risque d’incendie, etc. Ainsi, depuis 2022, GEREPI coordonne un projet de restauration hydraulique du Pinail avec les acteurs locaux et le soutien financier de l’Etat, l’Agence de l’Eau Loire Bretagne et le Conseil Régional de Nouvelle-Aquitaine, afin de favoriser la capacité d’adaptation et d’évolution des écosystèmes face au changement climatique. Un exemple de solutions fondées sur la nature.

Une adaptation vitale pour le Pinail : mieux retenir naturellement l’eau

Avec les changements climatiques, la zone humide du Pinail a de plus en plus de mal à résister, à tolérer son drainage historique, sa banalisation en monoculture de pins. Faire fuir l’eau à tout moment et en tout lieu est une pratique d’un autre siècle : il faut désormais accepter de la retenir naturellement, de réaménager le territoire pour redonner vie aux zones humides !

Le diaporama ci-dessus résume l’état d’avancement du projet, des réflexions menées avec les acteurs locaux (ONF, communes, représentants d’usagers, etc.). En 2025, les échanges se poursuivront pour co-construire un programme de travaux qui pourrait être mis en œuvre dès 2026. En attendant, il nous faut continuer d’agir pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre afin de suivre une trajectoire optimiste car nos capacités d’adaptation aux changements climatiques sont limitées ! D’ailleurs GEREPI est engagée dans une démarche de bilan carbone et recherche désormais la voie de la « décarbonation ». Un défi qui n’a pas fini de faire l’actualité…

Merci à l’Agence de l’Eau Loire Bretagne (Contrat Territorial Vienne Aval) et au Conseil Régional de Nouvelle-Aquitaine (Feuille de route Néo Terra) pour leur soutien financier, et bravo à Envolis pour son travail de modélisation si précis et précieux.