Validation d’un nouveau plan de gestion pour 10 ans


Document cadre de la réserve, le plan de gestion programme les actions à développer pour protéger, gérer et sensibiliser au patrimoine naturel : les 3 objectifs du réseau des Réserves Naturelles de France. Pour le Pinail, il s’agit du 5ème plan de gestion élaboré par GEREPI depuis la création de la réserve en 1980. Aujourd’hui, le site bénéficie d’un programme d’actions 2018-2027, prenant appui sur une nouvelle méthodologie ayant conduit à actualiser les enjeux, objectifs et opérations dont les grandes lignes sont présentées ci-après.

SIGNATURE OFFICIELLE DE LA PREFETE DE LA VIENNE

Le 26 avril 2018, GEREPI a accueilli Mme Dilhac, préfète de la Vienne, en présence de M. Clément, député de la 3ème circonscription, et de tous les partenaires locaux. De la signature officielle du plan de gestion à la visite de la réserve, une 40aine d’élus et représentants ont suivi les explications de Kévin Lelarge et Yann Sellier, conservateur et chargé de missions scientifiques de la réserve, pour appréhender la richesse mais aussi la fragilité du Pinail. Une belle marque de reconnaissance et d’engagement pour l’unique réserve naturelle de la Vienne !

D’un acte administratif souvent effacé de la vie d’une réserve, la signature de l’arrêté préfectoral a été menée comme une opération de communication et de sensibilisation en collaboration avec les services de l’Etat. L’évènement a ainsi bénéficié d’une belle couverture médiatique, une opportunité d’intérêt pour aborder et partager avec les acteurs du territoire les enjeux de la protection de la nature.

 

RESPONSABILITÉS DE CONSERVATION DE LA RESERVE

La réserve naturelle du Pinail est un site exceptionnel par sa configuration intrinsèque : des milliers de mares et une grande diversité de milieux de landes et d’habitats connexes, entremêlés au sein de cet écotone complexe qu’est le Pinail. Au sein de cette entité fonctionnelle, la réserve recèle d’habitats et espèces protégées ou menacées, peu connues dont elle a la responsabilité de conservation.

Les responsabilités de conservation ont été évaluées sur la base d’une méthodologie rigoureuse dépassant les seuls statuts de protection ou de menace permettant de dégager les réels enjeux de la réserve au regard du patrimoine biologique. En l’état actuel des connaissances, 2462 espèces et 42 habitats sont recensés sur le site. Le diagnostic a démontré que la réserve a des responsabilités pour 4 % de cette biodiversité avec un total de 26 habitats, 19 animaux, 10 plantes et 40 champignons. Sur ces derniers, un travail approfondi a été mené pour hiérarchiser ces enjeux et dégager les responsabilités de la réserve.

L’intérêt des habitats terrestres se concentre sur les landes humides, habitat dont la réserve à une responsabilité majeure, abritant notamment l’azuré des mouillères. Le complexe de landes abrite différents habitats d’intérêt comme les suintements marneux où se développe la spiranthe d’été ou encore le pissenlit des marais. Par ailleurs, les milieux terrestres représentent de manière générale pour la réserve des responsabilités modérés (landes sèches et mésophiles…) même si plusieurs espèces animales et fongiques (fauvette pitchou, hygrocybes, entolomes…) leur confèrent une valeur particulière. Cette valeur est d’autant plus importante que le complexe de landes est géré par pâturage (orthoptères, fourmi commensale, pipit farlouse) et brûlis (champignons pyrophiles).

La réserve a pour les habitats palustres et aquatiques des responsabilités assez fortes (végétations enracinées, characées, eaux oligotrophes ou dystrophes…). Ces milieux accueillent un nombre important d’espèces à responsabilités majeures pour la réserve, tout particulièrement au niveau de la faune avec la présence de l’écrevisse à pieds blancs, la grenouille de Lesson ou la dolomède des radeaux. Les mares sont également le refuge d’une flore originale et menacée (rubanier nain, petite utriculaire) et bien connues pour leur richesse en odonates (50 % des espèces présentes en France, dont deux leucorrhines et la cordulie à taches jaunes).

Résultant du comblement des mares, en imbrication avec les landes humides, les tourbières représentent un fort enjeu pour la réserve, en cumulant plusieurs habitats et espèces à responsabilité de conservation. Bien que ponctuels et de petite surface, les milieux tourbeux sont diversifiés et abritent notamment un cortège de champignons remarquables (Hygrocybe, omphales…).

Les habitats et espèces citées ici sont ceux pour lesquels la réserve naturelle du Pinail a une responsabilité. D’autres espèces non émergentes de cette évaluation mais bénéficiant d’un statut de protection particulier participent pleinement à la valeur de la réserve et sont de fait intégrées à la stratégie de gestion conservatoire. Ces habitats et espèces sont soumis à différents facteurs d’influence, d’origine « naturelle » ou anthropique, que le gestionnaire doit considérer au regard de la réelle emprise qu’il peut avoir sur ces derniers. Le plan de gestion doit déployer son arborescence sur la base de ces responsabilités et le gestionnaire, prendre toutes les dispositions en sa possession pour atteindre ou maintenir un bon état de conservation de ce patrimoine biologique. Cette démarche a donc conduit à une nouvelle hiérarchisation méthodologique et actualisée des enjeux et responsabilités de la réserve.

ENJEUX DE GESTION

  • L’écocomplexe des landes et mares du Pinail

La réserve naturelle du Pinail abrite un patrimoine biologique remarquable, celui-là même qui a justifié sa création en 1980. La responsabilité de l’espace protégé est considérable au regard de sa superficie de seulement 142 ha, aussi bien au niveau des habitats que de la flore, la faune ou la fonge. L’imbrication et la juxtaposition des habitats et donc des milieux de vie des espèces ont conduit à considérer un « écocomplexe du Pinail » regroupant l’ensemble des composantes abiotiques et biotiques, rares comme communes, de la réserve. La fonctionnalité et la diversité du patrimoine biologique prennent racine à cette échelle d’association d’écosystèmes où chaque habitat ou espèce peut difficilement être considéré indépendamment des autres. La mise en exergue de cette notion résulte également de la stratégie de conservation développée in situ depuis 1994 par grandes unités de gestion (pâturage, brûlage dirigé, fauche, non-intervention) appliqué à un complexe d’habitats et d’espèces.

Cet enjeu de conservation prioritaire comprend l’ensemble des responsabilités de la réserve naturelle rassemblées au cœur de l’écocomplexe de landes et mares (à noter que le périmètre de la réserve est administratif, concentré sur l’espace de plus forte densité de mares du Pinail, et donc non fonctionnel du point de vue écologique). L’oligotrophie est la clé de voûte de l’intérêt écologique du Pinail. Prenant racine dans la pauvreté des sols, la richesse biologique se répartie selon un gradient d’humidité marqué par le réseau de mares et le battement de nappe phréatique. Le caractère humide constitue le deuxième facteur fondamental de l’intérêt écologique de la réserve. Trois grands types de milieux sont mis en exergue par les évaluations patrimoniales et responsabilités de la réserve : les landes, les mares et les tourbières.

Chacun de ses milieux associe différents habitats et espèces pour lesquels la réserve a une responsabilité particulière de conservation. Le plan de gestion doit porter l’ambition d’atteindre et de les maintenir en bon état de conservation. Au-delà de ces priorités, il s’agit également de considérer l’ensemble des habitats et espèces, moins rares et communes, ainsi que l’environnement de la réserve dont la présence et la connectivité concourent au bon fonctionnement des écosystèmes.

  • Les connaissances scientifiques

Ce second enjeu de conservation concerne l’acquisition de connaissances sur le fonctionnement écologique et la diversité biologique de la réserve. Les nombreux inventaires, études ou suivis scientifiques ont permis de faire ressortir la richesse et les particularités du Pinail. La conservation de cet espace implique d’appréhender son évolution en continu en intégrant de manière concertée les progrès scientifiques et technologiques.

« Pour bien gérer, il faut bien connaître ». Le volet connaissance constitue la base d’une gestion adaptative, notamment dans le contexte des changements globaux. La gestion conservatoire et les expérimentations développées sur la réserve peuvent contribuer à améliorer les connaissances en biologie de la conservation à partir d’une diffusion et mise en réseau entre gestionnaires et chercheurs. La réserve naturelle du Pinail, avec ses milliers de mares et ses spécificités biologiques, constitue un espace privilégié du développement de travaux de recherche. Le partenariat historique avec l’université de Poitiers notamment, inscrit pleinement GEREPI et la réserve dans une dynamique de « site de référence scientifique ». Cette ambition apparait essentielle pour contribuer à freiner l’érosion de la biodiversité et à maintenir les services écosystémiques dont bénéficie l’Homme.

  • Le fonctionnement de la réserve

L’outil « Réserve Naturelle Nationale » est l’un des plus forts dispositifs de protection de la nature en France. La gestion d’un tel espace est confiée par voie de convention entre l’autorité de classement, (l’État, représenté par la DREAL Nouvelle-Aquitaine) et le gestionnaire (l’association GEREPI). En accord avec les instances consultatives et décisionnaires, un plan de gestion est élaboré et mis en œuvre pour répondre aux enjeux de la réserve. Ce cadre administratif est inhérent au développement des actions de conservation. Il doit permettre d’assurer un fonctionnement opérationnel de la réserve en l’alimentant des ressources nécessaires à une gestion efficace et adaptée.

Bien que la réserve soit un outil national, il n’en demeure pas moins qu’il protège un patrimoine local, d’intérêt national certes, mais qui constitue l’héritage des habitants du territoire. L’ancrage local, la compréhension et/ou la participation des acteurs du territoire sont également indissociables de l’atteinte d’une protection et d’un fonctionnement optimal. Le déploiement d’une gestion intégrée est ainsi essentiel à la pérennisation de la réserve sur son territoire.

  • La fréquentation et sensibilisation du public

Les landes et mares du Pinail constituent un héritage, matériel comme immatériel, des activités humaines passées. Associant patrimoine naturel, historique et culturel, la réserve constitue un véritable monument naturel, un musée à ciel ouvert. L’Homme fait partie intégrante de ce paysage qu’il a lui-même façonné au cours des siècles. Terre d’usages d’un temps révolu, les « Brandes du Pinail » sont aujourd’hui devenues un lieu apprécié des visiteurs en quête de nature, d’observation naturaliste ou plus simplement de balade. Cette fréquentation du public, local comme touristique ou scolaire, doit être adaptée à la sensibilité de la réserve et permettre de conduire vers une (ré) appropriation de la nature par tous les citoyens.

Le « besoin de nature » est un enjeu sociétal actuel pleinement intégré par le réseau d’espaces naturels protégés. La fréquentation du public, libre comme accompagnée, peut constituer un réel vecteur d’une meilleure protection et prise en compte de la nature dans la mesure où elle fait partie intégrante de la stratégie de gestion conservatoire d’un site. Le développement de cette vocation ne peut être envisagé que dans la mesure où elle ne porte pas atteinte à l’état du site, à la conservation des habitats espèces. L’intérêt pédagogique de la réserve naturelle du Pinail est indéniable et il implique une certaine responsabilité de ce point de vue. L’enjeu réside donc à assurer une découverte du site maîtrisée par le biais d’infrastructures et d’outils adaptés. Cette ambition apparait essentielle pour contribuer à la restauration du lien qui unit l’Homme à la nature.

 

Les chiffres clés de la réserve en 2017 

  • 45 habitats naturels
  • 6 000 mares
  • 2 500 espèces de faune – flore – fonge
  • 10 500 visiteurs dont 1 500 en animation/visite guidée

 

OBJECTIFS ET PROGRAMME D’ACTION

  • Préserver le paysage des “brandes du Poitou”

La lande est un milieu en transition, à mi-chemin entre la prairie et la forêt, ce qui implique un entretien régulier. Les 3 modes de gestion poursuivis sont le brûlage dirigé, le pâturage extensif et la fauche tardive (un secteur au nord du site est également laissé en évolution libre). Leur fréquence va être augmentée afin de maintenir les milieux ouverts et favoriser la biodiversité :  reptiles, champignons, papillons, oiseaux, orchidées… Le troupeau de moutons va également se renforcer pour développer le pâturage sur 3,5 hectares supplémentaires. Différents partenaires sont impliqués comme le SDIS 86 ou encore le chantier d’insertion Audacie qui transforme notamment la brande coupée sur site en palissades.

  • Préserver la mosaïque de mares

Les mares bénéficient de l’entretien des landes alentours. Le rajeunissement de la végétation tous les 6 à 8 ans permet de maintenir des berges ouvertes favorables aux libellules, algues, amphibiens, plantes aquatiques… Plusieurs mares ont évolué en tourbières qui abritent une biodiversité remarquable comme le Rossolis à feuilles rondes, petite plante carnivore. Un programme d’études naturalistes et scientifiques va être développé sur 200 mares de la réserve pour contribuer, avec l’aide de chercheurs, à la gestion conservatoire des zones humides.

  • Soutenir une gestion intégrée des Landes du Pinail

La réserve fait partie de l’unité écologique des Landes du Pinail. Les habitats et espèces à forte responsabilité de conservation ne se limitent pas au périmètre administratif du site. C’est pourquoi les partenariats et collaborations avec les gestionnaires locaux vont être développés (ONF, gestionnaire de la Forêt domaniale de Moulière ; LPO, animateur des sites N2000 Moulière et Pinail ; RTE, gestionnaire de la ligne haute tension). La prise en compte des enjeux de conservation de la réserve sera également recherchée au sein des documents d’aménagements du territoire, dispositifs et projets de territoire (SCOT, PLU, TVB, CTVA, etc.)

  • Améliorer et valoriser les connaissances

“Pour bien gérer, il faut bien connaître.” Les études et suivis scientifiques seront poursuivis à tous points de vue pour évaluer les actions et l’évolution de la biodiversité : des algues microscopiques aux grands rapaces, du pH de l’eau à la température de l’air… Une attention particulière sera portée sur le climat et les changements globaux dans le cadre de la constitution d’un observatoire local. Les connaissances acquises seront valorisées, publiées et des travaux de recherche pourront être développés en partenariats avec l’Université de Poitiers ou encore le CNRS de Chizé.

  • Structurer l’accueil et la sensibilisation du public

La fréquentation de près de 10 000 visiteurs chaque année porte la réserve comme un élément fort du patrimoine et de la dynamique locale. Le projet phare du plan de gestion est la construction d’une maison de réserve sur le Pinail. Le sentier de découverte sera également pourvu de nouveaux aménagements et d’un volet numérique qui complétera la sensibilisation des visiteurs (vidéo aérienne, réalité virtuelle augmentée, ponton, observatoire pédagogique…). Les animations et visites seront poursuivies en lien avec le CPIE Seuil du Poitou.

GEREPI remercie tous les partenaires institutionnels, scientifiques et techniques qui ont contribué à la préservation de ce monument naturel que sont les landes et mares du Pinail, et qui poursuivront leur contribution dans le futur pour transmettre ce bien commun aux générations futures.

Pour consulter ou télécharger l’intégralité du plan de gestion 2018-2027 de la Réserve naturelle nationale du Pinail, c’est ICI